NOTE D’INTENTION

Rien n’est plus subjectif que la réalité. Ce qui nous permet d’affirmer une chose ou une autre passe toujours par l’acquiescement de notre esprit. Mais notre esprit est trompeur. Le rêve en est l’exemple le plus emblématique : nous croyons ce que nous vivons en rêve, il nous semble même que tout est cohérent. Or, au moment de raconter le rêve tout nous apparaît chaotique et surréaliste. Partant de ce constat, rien ne nous assure du bien fondé de notre chère réalité.

PARADOXAL est un spectacle expérience qui veut semer la graine du doute et donne les outils pour que le spectateur la fasse germer.

Thriller médical – une écriture cinématographique
Les plans se succèdent, les intriguent s’ouvrent les unes après les autres et se referment en tiroir, on assiste à un twist final… Les ingrédients de PARADOXAL sont ceux d’un cinéma de genre. Les séquences commencent et terminent sans prévenir, c’est un véritable montage qui est réalisé par la plasticité et la mobilité du comédien, la lumière et l’atmosphère sonore composée en direct. Chaque fois que le spectateur croit s’installer dans un rythme, un cut intervient et le récit rebondit. L’histoire même, racontée de manière chronologique, durerait en vérité plus de 3 heures. À l’issu de la représentation, le spectateur ne peut pas tout savoir mais il a suffisamment d’éléments pour se faire une idée, composer, recomposer à sa guise. Et comme dans APRÈS CE SERA TOI, la force de PARADOXAL est de ne pas imposer une vision, une issue, mais de laisser la possibilité de l’interprétation. Le spectateur peut intimement être convaincue d’une hypothèse totalement différente de celle de son voisin.

Thèmes universels : lit – sommeil – insomnie – rêve
Il paraît que nous passons un tiers de notre vie à dormir. Plus précisément un tiers de notre vie dans notre lit car dormir est une autre paire de manches. Dormir nécessite bien plus que de la fatigue. Dormir nécessite parfois de la concentration, de l’abnégation, de l’abandon même : un abandon de la vie consciente sans jamais avoir la garantie que cette vie nous attendra au réveil. Le sommeil pose autant la question de l’endormissement que de l’impossibilité de s’endormir. Ces agitations dont nous faisons preuve de temps à autre, ces phases d’insomnies dans lesquelles nous ne savons même plus si nous avons dormi une seconde, une heure… Ces espaces où la réalité et le songe s’interpénètrent et qui comptent parmi les explications de certaines psychopathologies, visions et autres divinations. Car notre cerveau a la capacité de nous faire croire en une réalité ponctuelle. Qui est juge de cette réalité ? Qui peut dire qu’une chose est vraie plus qu’une autre ? La réalité se définit toujours par ce que la majorité décide d’avaliser. « Ça existe » ou « Ça n’existe pas » est décidé naturellement par un référendum tacite. Individuellement, quand nous doutons, nous nous tournons vers l’avis des autres. Dans notre rêve nous pouvons faire la même chose : nous pouvons nous adresser aux personnages de notre rêve pour leur demander ce qui est vrai ou non. Mais rien ne nous permet de savoir que nous dormons ou que nous sommes éveillés. Sommes-nous là ? Est-ce réel ? Quelqu’un rêve-t-il ce qui est en train de se passer ? Par le prisme du sommeil, de l’insomnie, du rêve, PARADOXAL interroge le spectateur sur cette réalité. Quelle est-elle ? Qui peut en certifier ? Y a-t-il parmi nous, maintenant dans cette salle, quelqu’un qui est en train de rêver la situation ? Peut-on s’interroger collectivement, ressentir, interroger notre propre présence ?

Marien Tillet

PRESSE